Se libérer des exigences de Bruxelles maladivement libérale. Mettre à bas l’Accès Régulé au Nucléaire Historique (ARENH), cause de tous les maux d’EDF. Tirer sans sommation sur les concurrents d’EDF, profiteurs de guerre et traders sans âme. Alors que se finalisent au niveau européen les discussions autour de la réforme du design du marché de l’énergie, les prises de paroles vindicatives fleurissent en France. Certains prétendent disposer du modèle miraculeux qui offrirait à tous les consommateurs une énergie à bas prix, quand d’autres y vont à grands coups de « c’était mieux à l’époque du monopole ». Il est désolant que le débat public en soit à ce stade en France alors qu’on suffoque à cause des émissions polluantes des centrales à charbon, des chaudières au fioul, des camions et des voitures au diesel. Il est si facile de ressasser des vieilles lunes plutôt que de regarder la réalité en face et se projeter avec courage et ambition pour dessiner un monde de demain vivable.
LUCIOLE tente d’apporter des éléments pour nourrir le fact checking et surtout éclaire l’avenir pour que le consommateur fasse des économies réelles et durables sur sa facture.
Les hausses de prix de l’électricité ne sont pas dues à l’ouverture à la concurrence mais aux crises mondiales successives, aux guerres et plus récemment à l’indisponibilité du parc nucléaire.
Les plus fortes hausses de facture d’électricité en France depuis les années 60 ont été la conséquence de la hausse du prix des énergies fossiles dûe à des crises mondiales (chocs pétroliers en 1973, 1979, crise économique de 2008, reprise économique post-covid en 2021) ou aux guerres (guerre du golfe en 1991, guerre en ukraine depuis 2022).
Source : Opéra Energie
Rappelons que 8 à 10% de l’électricité produite en France depuis 1990 l’est à partir d’énergie fossile et que les prix du gaz et du fioul ont explosé depuis les années 2000.
Source: Observatoire de l’industrie électrique
Pour baisser la facture d’électricité des Français, rompre avec les énergies fossiles est donc une bonne idée. Pourtant, en catimini début 2022, en 2023 puis pour 2024, a été décidé le prolongement du fonctionnement des centrales à charbon en France. Pire, actuellement, l’État Français se bat au niveau Européen pour obtenir l’autorisation de maintenir pour les années à venir l’aide qu’elle accorde aux centrales thermiques chaque année depuis 2017 d’environ 150 Millions d’Euros.
Si le coût de production nucléaire d’EDF était à 6 centimes le kWh comme le prétendent certains, alors EDF n’aurait pu vendre son électricité sur le marché à un prix supérieur à son coût de production que durant la crise économique de 2008.
Cela signifierait également que l’énergie nucléaire n’est pas compétitive par rapport aux autres sources d’énergie disponibles sur le marché de l’électricité et qu’aucun n’aurait intérêt à souscrire une offre de fourniture basée sur un accès au parc nucléaire. C’est évidemment faux. EDF vend bien son électricité sur le marché depuis toujours et en retire un intérêt financier comme le montre la Cour des Comptes dans son rapport[1]. EDF regrette de n’avoir pu profiter davantage des prix de l’électricité exceptionnels de ces derniers mois mais il s’agit d’un manque à gagner et non d’une perte financière. En tout état de cause, la fixation du prix d’accès à l’électricité nucléaire dans le cadre du dispositif qui succédera à l’ARENH s’avèrera en réalité très subtile puisqu’il s’agira de couvrir les coûts d’EDF tout en n’augmentant pas de manière trop forte la facture des citoyens français et en offrant à l’industrie française un prix compétitif par rapport à ses concurrents européens.
La réelle urgence est la baisse drastique de nos consommations d’énergie et aucune personnalité politique en France n’incarne malheureusement cette volonté et les choix de société qui en découle
Il faut baisser la consommation d’énergie de manière radicale et immédiate sinon les conséquences sur les générations futures seront mortelles. En 2030, si l’État œuvre au même rythme et de la même manière que ces dix dernières années : soit nous n’aurons pas suffisamment décarboné nos usages et nos émissions de gaz à effet de serre seront hors de contrôle ; soit nous n’aurons pas assez d’électricité et devrons arbitrairement procéder à des coupures d’électricité. Pourquoi cela alors qu’un sondage IPSOS récent, fait à la demande du Réseau de Transport d’Electricité, montre que les Français sont majoritairement prêts à faire un effort mais méconnaissent les solutions qui s’offrent à eux pour réaliser des économies d’énergie. Comptons sur l’intelligence des Français, écoutons leur engouement pour l’isolation de leur maison ou l’installation de panneaux photovoltaïques sur leur toit. Aidons-les à y voir plus clair et à agir. Simplifions leur accès aux aides financières et à leurs données énergétiques, payons pour rénover leurs bâtiments, valorisons ceux qui acceptent d’effacer temporairement certains de leurs usages électriques afin que d’autres puissent continuer à se chauffer, facilitons les démarches de ceux qui autoconsomment l’énergie, formons massivement les jeunes autour des nouveaux enjeux énergétiques. Chacune de ces actions allège la facture d’énergie du consommateur de manière durable. Agissons vite. C’est une révolution dans notre façon de consommer dont nous avons besoin.
Des ingénieurs, des scientifiques, des journalistes s’engagent et portent des mesures fortes. Pourquoi aucun politique n’incarne les choix de société qui découle de l’action contre le réchauffement climatique ? Jusqu’à quand devra-t-on attendre ? Ne sera-t-il pas trop tard ?
[1] L’ORGANISATION DES MARCHÉS DE L’ÉLECTRICITÉ – Cour des Comptes – Juillet 2022 : « La Cour a pu évaluer les revenus globalement tirés de la production nucléaire et considérer qu’ils ont été supérieurs de 1,75 Md€ environ aux coûts comptables de cette production. »